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L’austérité appliquée à nos élèves.

Nous lisons parfois des libéraux nous assurant chiffres à l’appui que l’austérité n’est pas appliquée. La dépense publique n’aurait cessé d’augmenter. Ce qu’ils « oublient » de dire c’est que l’État a du faire face à plusieurs paiements imprévus et à une raréfaction des recettes qui s’explique selon ces mêmes libéraux par une croissance en berne. Selon nous les recettes existent, et même largement, il suffit d’avoir le courage de les prendre.

La dépense publique… Elle sert, entre autres, à payer les enseignants. Pour ce cas j’ai quelques points à dénoncer. Ceux-ci concernent l’exploitation d’une main d’oeuvre maintenue à l’état de paupérisation: les vacataires/suppléants.

Contextualisons, je suis enseignant T3 titulaire, vous pourrez voir ma fiche de paye en couleur. Ma collègue est suppléante, c’est à dire qu’elle ne possède pas le CRPE, elle a plus d’ancienneté que moi, sa fiche de paye est en noir et blanc.

Je vous laisse dans un premier temps comparer ces deux fiches de paye.

Fiche_1

Paye vacataire

Je suis payé 1624.15 € (j’avais 1627 € il n’y pas très longtemps) ma collègue est payée 118.74 €. Nous faisons strictement les mêmes horaires, et le même volume de travail.

Je voudrais attirer votre attention sur le total des cotisations. J’englobe volontairement les cotisations salariales et patronales.

Je cotise 1335.03 € en totalité chaque mois, ma force de travail a une valeur totale de 2959, 18 €.

Ma collègue cotise 908.03 € chaque mois, sa force de travail a une valeur totale de 2026.77 €

Nous pourrons nous demander si le seul bénéfice du concours suffit à justifier cette différence de traitement. La première question soulevée serait l’utilité du concours. Pour ma part je le pense utile, sur le simple statut assuré au travailleur, sur la reconnaissance par tous de l’utilité sociale de celui-ci. Il s’agit d’une reconnaissance. Les vacataires sont déjà sous la pression de savoir ce qu’ils vont devenir la semaine, le mois, l’année d’après. Nous n’avons pas besoin de rajouter la paupérisation à la précarisation des parcours.

Voici un graphique simple:

comparaison salaire

Je cotise à hauteur de 23.41% de mon salaire.

Ma collègue cotise à hauteur de 22.02 % de son salaire. Elle retrouve donc avec un salaire net de 1118.74 € par mois.

Elle se rapproche de la cinquantaine, sa fille est au Lycée, ça ne va pas fort du tout avec son mari. Elle pensait se séparer de lui il y a quelques temps, mais rien ne s’est produit. Je pense que sa précarité professionnelle est un facteur déterminant. En effet, divorcer est une procédure longue, fastidieuse, douloureuse. Son statut peut changer l’année prochaine. Si jamais elle n’est pas rappelée, que deviendra-t-elle ?

Mais cette année, elle habite à une heure de voiture de son travail. Elle fait donc deux heures de trajet par jour, sur un budget si mince cela pèse lourd. Tout ce temps de trajet est du temps perdu sur la préparation des cours, le repos.

Actuellement les vacataires peuvent passer un examen professionnel pour être CDIsés. Les conditions de recrutement en CDi (et non titularisation c’est différent) ont évolué, vous vous en doutez non au bénéfice des salariés. Dès le départ les vacataires de la fonction publique sont  moins bien traités par l’Etat que par les entreprises.  Cet état de paupérisation est maintenu malgré l’ouverture de l’examen professionnel, le nombre de postes ouverts à cet examen sont parfois ridicules:  49 dans l’académie de Lille, ces nouveaux CDIsés sont envoyés HORS ACADÉMIE (Marseille, Bordeaux, Caen).

On peut se demander quel est le respect que donne le Ministère à ces nouveaux enseignant dits « titularisés ».

Dans l’académie de Créteil le manque de poste est criant depuis des années. La technique est bien rodée, les nouveaux enseignants attendent durant toutes les vacances le nom de leur école, ainsi que leur quotité de travail. Seront-ils à mi-temps ? Seront-ils à temps plein ? Malgré les besoins, en 2012 il manquait 100 professeurs à l’appel. Et même si 150 postes supplémentaires sont créés cette année, d’autres éléments restent, les premiers jours, premières semaines n’ont pour certaines classes pas été assurées.

Les remplacements ne sont plus effectués dans certains établissements. Ainsi dans un IME de mon département, les enseignants sont tous absents et ne sont pas remplacés. Les éducateurs doivent donc assurer comme ils le peuvent la journée. Dans une MECS du Lot TOUT le personnel enseignant est suppléant, y compris le poste de directeur.

Voici les questions finales : comment s’étonner des résultats en berne de la France en matière de contenus d’enseignement ? Croyez-vous qu’l s’agisse ici d’une rationalisation efficace, ou d’une politique du chiffre absurde ? Comment comptez-vous motiver des enseignants payés au SMIC alors que pour le même salaire ils pourraient trouver un métier qui ne nécessite aucune préparation ni correction le soir ? Quelle est la considération accordée à tous ces travailleurs sous payés, à toutes ces familles dont les enfants handicapés restent encore à domicile ou lorsqu’ils sont dans un institut spécialisé peuvent parfois n’avoir aucun enseignant ?

Tout ceci, la précarisation des parcours, le salaire compressé, la mobilité imposée, le non remplacement des postes peu visibles est bel et bien de l’austérité. Et tout ceci a des conséquences directes, sur l’acquisition des connaissances des élèves en premier lieu. De la fatigue des parents à lutter pour avoir un enseignant, pour conserver une classe, pour compenser l’absence d’enseignants ensuite. De cette même fatigue pour nos collègues précarisés.

Toute une série de mesures doivent être prises pour enfin faire cesser cette idiotie. La revalorisation salariale, la titularisation immédiate, l’augmentation des effectifs sont des premiers éléments de réponse immédiate.

Pour conclure je vous conseille de lire ce papier, où une collègue vacataire du 93 décrit ses conditions de travail, et donc de vie.

Voir: la dernière intervention de Marie-George Buffet sur l’enseignement scolaire.